Des millions de ruches, jadis occupées par des milliards d'abeilles, se sont mises à disparaître depuis quelques mois. L'épidémie, d'une rapidité et d'une ampleur quasi-explosive, pourrait très bien ébranler les bases de notre civilisation.
Mise à jour du 07/09/07 : Vos réactions à ce sujet qui, manifestement, vous passionne, ainsi que de nouvelles informations, nous ont incités à aller plus loin pour mieux comprendre cette inquiétante énigme.
Nous avons interrogé Bernard Vaissière, de l'Inra, un des très rares spécialistes de la pollinisation par les insectes, qui remet quelque peu les pendules à l'heure, sans pour autant minimiser la gravité du problème.
Le phénomène a débuté dans un seul élevage de Floride il y a à peine un an. Puis l'épidémie s'est répandue de ruche en ruche, jusqu'à s'étendre à l'ensemble des Etats américains et du Canada, avant d'atteindre l'Europe et même Taïwan en avril 2007.
L'aspect de cette catastrophe écologique est déroutant. Aucun cadavre d'abeille n'est retrouvé, et les ruches abandonnées sont vides d'occupants. On n'y découvre même pas les parasites d'habitude si prompts à les réoccuper ensuite.
Tout se passe comme si les insectes quittaient leur habitat en masse pour une destination inconnue sans jamais y revenir. En France, où les apiculteurs se remettent à peine des ravages causés par le tristement célèbre "Gaucho", un pesticide jadis répandu dans les champs de maïs et de tournesol, les disparitions ont repris en force.
La sirène d'alarme
Ce n'est pas une sonnette d'alarme mais une sirène que les scientifiques actionnent… ou tentent d'actionner. Car 80 % des plantes ont absolument besoin des abeilles pour être fécondées, et sans elles, il n'y a plus de production de fruits ou de légumes possible. Rien qu'aux Etats-Unis, où le nombre de ruches en "vie" s'est effondré de 2,4 millions à 900 000, 90 plantes destinées à l'alimentation humaine sont exclusivement pollinisées par les butineuses, ce qui représente une valeur annuelle de 14 milliards de dollars.
Les scientifiques, qui ont donné le nom de "colony collapse disorder" à ce syndrome d'effondrement, tentent de trouver une explication. Suivant le professeur Joe Cummins de l'université d'Ontario, "Des indices suggèrent que des champignons parasites utilisés pour la lutte biologique, et certains pesticides du groupe des néonicotinoïdes, interagissent entre eux et en synergie pour provoquer la destruction des abeilles".
Selon lui, les insectes sont aussi directement ou indirectement victimes de l'efficacité sans cesse accrue des nouvelles générations de pesticides, censées protéger la nature mais dont l'effet se révèlerait particulièrement pernicieux. Il cite en exemple la pratique de plus en plus courante qui consiste à enrober les semences d'insecticide de façon à éviter l'épandage. Le produit est ainsi incorporé dans toute la plante, depuis les racines jusqu'au pollen que les abeilles rapportent à la ruche en l'empoisonnant, ce qui explique aussi l'absence d'insectes "squatteurs" dans les ruches abandonnées: ils ne survivent pas.
Phénomène de cascade
L'emploi de ce type de pesticide à base d'imidaclopride, très contesté en France et aux Etats-Unis mais pourtant autorisé par l'Union Européenne, attaque le système immunitaire des abeilles qui deviennent vulnérables aux parasites. La preuve semble en être établie par la découverte d'une demi-douzaine de virus, microbes, mais aussi de champignons parasites dans les quelques abeilles survivantes de quantité de ruches agonisantes. Ce produit est distribué par Bayer sous plusieurs appellations : Gaucho, Merit, Admire, Confidore, Hachikusan, Premise, Advantage entre autres.
L'origine de ces champignons parasites n'est pas un mystère, puisqu'ils sont eux-mêmes incorporés dans certains pesticides chimiques pour combattre les criquets, la pyrale du maïs et certaines teignes.
Il s'agit là d'un véritable effet de cascade, des agents infectieux destinés à combattre certains parasites profitant de la brèche ouverte dans le système immunitaire des abeilles et ainsi changer de cible, avec pour conséquence la destruction des cultures que ce produit était censé protéger.
Mais selon Joe Cummins, cet effet de cascade jouerait aussi entre ces champignons parasites volontairement répandus et les biopesticides "naturellement" produits par les plantes OGM. Il vient en effet de démontrer expérimentalement que les larves de pyrale du maïs infectées par le champignon Nosema pyrausta sont 45 fois plus sensibles aux infections que les larves saines, une constatation qui est à mettre en parallèle avec l'effondrement du système immunitaire des abeilles. "Les autorités chargées de la réglementation ont traité le déclin des abeilles avec une approche étroite et bornée, en ignorant l'évidence selon laquelle les pesticides agissent en synergie avec d'autres éléments dévastateurs", ajoute-t-il en guise de conclusion.
L'importance des abeilles dans l'écosystème est telle qu'il y a un demi-siècle déjà,
Albert Einstein avait estimé que si cet insecte venait à disparaître du globe, l'espèce humaine disparaîtrait au bout de quatre années. La sirène d'alarme pourrait se transformer en tocsin.
Source : futura-sciences
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